Derville
Pourquoi des médiologues?
Étranger, sur toutes grèves de ce monde, sans audience ni témoin, porte à l’oreille du Ponant une conque sans mémoire : Hôte précaire à la lisière de nos villes, tu ne franchiras point le seuil des Lloyds, où ta parole n’a point cours et ton or est sans titre… «J’habiterai mon nom», fut ta réponse aux questionnaires du port. Et sur les tables du changeur, tu n’as rien que de trouble à produire, Comme ces grandes monnaies de fer exhumées par la foudre.
Saint-John Perse, Exil
Gallimard
GRÉGORY DERVILLE
Le pouvoir des médias… selon les classiques de la « com »
Apparue avec les médias de masse, la question du « pouvoir des médias » est très vite devenue obsessionnelle du fait de leur utilisation spectaculaire par les régimes totalitaires. La radio puis la télévision suscitent alors les craintes les plus vives : on redoute leur « omnipotence » ou leur « toute-puissance », leur capacité à manipuler à loisir les esprits dits faibles (les femmes, les enfants, et par extension les masses). L’une des formulations les plus abouties de cette crainte remonte au Viol des foules, publié en 1939 par le socialiste allemand Tchakhotine. Cet ouvrage défend un schéma stimulus-réponse proche de la « réflexologie » pavlovienne : soumis à un matraquage habile par les médias, l’individu serait réduit au rang d’« esclave psychique ». Le rapport entre le public et les médias est ici pensé en termes de dépendance, de conditionnement ou de manipulation, le récepteur ne faisant qu’absorber passivement les messages qui lui sont adressés. Se dessine la métaphore de la piqûre hypodermique : l’émetteur est censé pouvoir « injecter » n’importe quelle idée dans l’esprit de n’importe qui. Son discours est un stimulus qui entraîne instantanément, chez l’auditeur, la réponse qu’il a programmée. C’est en grande partie en réponse à ce type de schéma, pour mieux en mesurer l’exactitude et la portée, que la sociologie des médias s’est