Qui sont les sauvages ? Montaigne (Essais, Des Cannibales), nous en a tôt prévenus : « Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage ». Ce relativisme des valeurs et des coutumes, qui frappe d'inanité l'ethnocentrisme occidental, n'a pas échappé aux premiers voyageurs et devient même un poncif de la littérature du XVIII° siècle (Fontenelle, Nouveaux dialogues des morts, Montesquieu, Lettres persanes, Diderot, Supplément au voyage de Bougainville...). Les textes que nous proposons ici sont issus de ces deux sources et servent de support à une analyse des procédés requis pour l'écriture du dialogue délibératif : dans chacun d'entre eux, sauvages et civilisés s'affrontent en un débat verbal que les genres didactique, romanesque ou théâtral mettent diversement en scène. Au-delà, les thèmes évoqués pourront enrichir une réflexion toujours urgente sur nos rapports avec l'Autre.
L'échange que vous devez mettre en scène entre des locuteurs nettement caractérisés (notamment par leur langage) est de l'ordre du dialogue délibératif, dont les meilleurs exemples restent ceux de Platon où l'affrontement des thèses opposées prend deux formes :
le dialogue didactique : l'un des protagonistes explique à l'autre son point de vue, et le dialogue ressemble alors à une sorte de leçon de maître à élève. Ce dernier se manifeste essentiellement par des questions tandis que son interlocuteur développe ses arguments de manière sentencieuse.
le dialogue polémique : les deux protagonistes échangent à rôle égal des points de vue opposés d'une manière dialectique que peuvent souligner une modalisation plus appuyée et des formes plus théâtrales (interruptions,