C’est le 26 juillet 1956, lors de la soirée de célébration du quatrième anniversaire de l’abdication du roi Farouk, sur la plus grande place d'Alexandrie et devant une foule de 250 000 personnes, que Gamal Abdel Nasser choisit de prononcer un long discours de deux heures en arabe dialectal, aussitôt retransmis sur les ondes. Discours tonitruant dans lequel il aborde plusieurs thématiques : l’union avec la Syrie sous la bannière de la nation arabe, l’indépendance économique de l’Egypte, le développement de la production, la question de l’armement auprès de la puissance soviétique, mais aussi ce qu’il nomme « les manœuvres impérialistes » face aux pays arabes, pour terminer par l’annonce la nationalisation de la compagnie universelle du canal de Suez.
Notre attention aujourd’hui va se porter plus particulièrement sur un passage de ce discours qui est paru le lendemain de l’allocution de Nasser dans le journal gouvernemental Al-Jumhûriyya, et a été traduit six mois plus tard dans le premier volume de la Revue Orient.
Ce texte s’inscrit dans une nouvelle ère historique où trois champs d’interférences sont enchevêtrés : tout d’abord, celui de la guerre froide qui oppose politiquement et idéologiquement les pays membres de l’OTAN, dont les Etats-Unis sont à la tête, aux pays signataires du Pacte de Varsovie regroupés autour de l’URSS; puis celui de la décolonisation et de l’affirmation des pays dits du « Tiers-Monde » et enfin, celui du conflit israélo-arabe. C’est dans ce contexte international que Nasser, second président de la république qui a fait suite au coup d’Etat militaire des Officiers libres, envisage l’armement de l’Egypte et son développement économique par la construction du haut-barrage d’Assouan pour lequel il sollicite l’aide de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis qui ne souhaitent pas participer à son financement sous prétexte de son rapprochement avec l’URSS qui, à l’inverse des Etats-Unis aurait accepté de lui fournir des armes. Pour le coup,