» On ne se connaissait pas, et pourtant, on s'évitait déjà. Une tension palpable nous tenait en éveil, nous nous effleurions du regard discrètement, sans que l'autre ne le sache. On se plaisait tant, sans doute trop, au point que cela en devenait gênant. On ne se connaissait pas, que déjà nous refusions de nous parler, sachant pertinemment que nous ne pourrions le faire sans bégayer. Certains mots que l'on aurait tant aimé se dire luttaient contre nos parois, cherchant en vain une sortie. Nous nous étions rencontrés par hasard, un soir, chez des amis, et nous allions rentrer, chacun de notre côté, le cœur plein d'émotions et de sentiments inavoués, inavouables. Nous étions deux inconnus, puis sans même nous parler, nous étions devenus plus que cela. Mes yeux ne supportaient pas le foudroiement des tiens, et les tiens n'appréciaient pas les caresses que mes pupilles t'envoyaient. Nous n'avions pas le droit de nous aimer, pas si vite, si imprudemment. C'était une route menant directement à la souffrance, c'était ridicule, pitoyable, impensable, incompréhensible, mais c'était vrai. Nous retenions notre souffle à la vue de l'autre, nous évitions de nous croiser, et pourtant au fond de nous en résonnait l'envie. C'était agir contre ses sentiments, contre ses pensées, lutter contre soi pour éviter d'aimer, ou plutôt de souffrir. C'était bête, et ça l'est encore. Dès que je te voie, je n'ai envie que de t'embrasser, que de te serrer dans mes bras et de t'aimer, mais cela m'est impossible. Je ne suis qu'un humain. Je lutte contre moi-même par peur d'avoir mal, car la souffrance du passé m'a laissée des cicatrices. Je ne suis qu'un humain, qui tente de t'aimer, et qui y arrive plus ou moins bien. Je ne suis qu'un humain, parmi tant d'autres, mais si tu l'avais voulu, j'aurais pu devenir plus que cela pour