De la séduction dans Les Égarements du cœur et de l'esprit de Crébillon fils La préface du roman Les égarements du cœur et de l'esprit semble répondre, a priori, à toutes les normes usuelles qui justifient généralement une préface, à savoir la présentation de la position de l'auteur par rapport à son œuvre, l'établissement d'un contact de complicité et de compréhension entre l'écrivain et le lecteur, les définitions des idéaux romanesques et sociaux qui déterminent la dite œuvre et un bref résumé de l'histoire qui va suivre. L'œuvre romanesque est une œuvre de fiction qui ne se réfère pas à la réalité concrète mais au genre humain en général. Toute tentative d'identification d'un des héros fictifs avec une personne authentique est pernicieuse et inutile. Le but du roman est d'instruire en divertissant. En peignant les mœurs dépravées de la société, Crébillon dénonce les vices et les égarements, et en les dévoilant, il avertit et prévient le lecteur. Il justifie donc son choix et se présente comme un écrivain qui respecte les normes et qui défend la vertu et la moralité. Crébillon tend, tout le long de la préface, à placer son œuvre dans le cadre de la norme et de la tradition. Il veut rassurer. Il réussit d'ailleurs à convaincre, et on a généralement tendance à prendre au pied de la lettre ses affirmations, comme par exemple Ernest Sturm qui, dans une étude Crébillon fils et le libertinage au XVIIP siècle, écrit Dans Les Égarements du cœur et de l'esprit qui pourraient porter en sous-titre: «de l'éducation d'un libertin», Crébillon peint les épreuves parfois obscures que traverse un adolescent afin d'être admis sur un pied d'égalité dans les salons privés de l'élite aristocratique (...) Les égarements traitent l'inévitable conflit entre l'individu et un monde fortement hiérarchisé et replié sur lui-même. Crébillon annonce qu'il va raconter l'histoire d'un jeune noble, Meilcour, qui entre dans le monde, innocent et naïf, et qui, au fil du temps, apprendra, à