Peut-on dire qu’Émile Nelligan et Charles Baudelaire, dans «Clair de lune intellectuel» et «Élévation» présentent une vision similaire de la poésie?
POSITION : Les deux poètes partagent une même vision de la poésie.
Argument 1 : Ils s’entendent pour associer les sensations à l’art poétique. Tout d’abord, Nelligan fait vivre sa poésie dans les sens. Il crée une synesthésie : «En un jardin sonore, au soupir des fontaines, / Elle a vécu dans les soirs doux, dans les odeurs» (v.5-6). L’art est incarné, il a toute une vie liée au toucher, à l’odorat, au son. Les liens entre les sens enrichissement l’expérience de la création, une expérience mélancolique, douce et délicate. De même, le poète français évoque le plaisir des sens. La comparaison suivante en fait foi : «Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde, / Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde / Avec une indicible et mâle volupté.» (v.6-8) L’esprit du poète baigne dans des sensations agréables, masculines et raffinées. L’art se nourrit de ce contentement des sens, un contentement qui n’a rien de superficiel. Les deux artistes partagent donc une même vision de la poésie puisqu’elle est unie à plusieurs sens chez l’un et au plaisir sensuel chez l’autre.

Argument 2 : En plus de partager une vision similaire de l’apport des sens à la poésie, Nelligan et Baudelaire croient que la poésie permet de s’élever au-dessus de la triste réalité. D’abord, le poète québécois affirme que la création rend possible une ascension désincarnée et parfaite. La poésie «court à jamais […] au pays angélique […] loin de la matière […]/ Elle rêve l’essor aux célestes Athènes.» (v.9-12) Elle s’éloigne de la matière et s’associe au métaphysique, au divin. L’allégorie traduit cette fuite vers le haut, cet éloignement de toute laideur terrestre, pour atteindre un idéal. Nelligan affirme donc dans ce poème que pour lui, la poésie moderne québécoise a cette dimension spirituelle. Dans un même ordre d’idées, Baudelaire évoque