La Princesse de Clèves : regards et silences

La princesse de Clèves est un récit considéré comme le premier véritable roman français, écrit par Madame Marie-Madeleine de Lafayette en 1678 et publié chez l'éditeur Claude Barbin. Elle nous y dépeint les intrigues sous-jacentes de la cour du Roi Henri II, en 1558, en une toile d'un clair-obscur constant, menant son histoire par le biais d'une héroïne torturée par ses passions, auxquelles elle ne cédera jamais, même lorsque l'occasion lui en sera enfin présentée. Publié anonymement pour préserver « le brouillard » mystérieux duquel l'auteur aimait se parer, et d'autant plus qu'il n'était pas bien vu dans la haute société de l'époque d'être écrivain, le roman traite avec simplicité et clairvoyance des sentiments humains et de leur complexité, passant par une esthétique des apparences souvent trompeuses et une politique du non-dit coupable. En effet, la Princesse de Clèves va être victime d'un amour violent et frustré qu'elle va s'évertuer à refouler pour sauver son mariage, elle qui avait accepté une union de raison après deux tentatives vouées à l'échec, sans partager les sentiments profonds et sincère de celui qui deviendrait son mari, Mr de Clèves. Pourtant mise en garde par Mme de Chartres, sa mère, contre les dangers de la passion et les mérites de la fidélité conjugale, elle va succomber à l'image de Mr de Nemours, jeune Duc réputé à la cour pour sa beauté mais aussi pour l'étendue de ses conquêtes, et il lui vouera en retour un amour passionné qu'il tentera de lui exprimer par tous les moyens. Mais comment Mme de Lafayette parvint-elle à rendre les scènes clefs du roman plus intenses par leurs regards insistants et leur silence étouffant, au mépris de longs discours tortueux ? Nous aborderons cette question en commençant par nous pencher sur la place du discours dans le roman, qui nourrit essentiellement la mise en situation historique par les récits enchâssés des intrigues passées et présentes,