Dissertation
Paul Valéry : Qui se confesse ment, et fuit le véritable vrai, lequel est nul, ou informe, et, en général, indistinct
Paul Valéry, Variétés II (1929) :
"En littérature, le vrai n'est pas concevable. Tantôt par la simplicité, tantôt par la bizarrerie, tantôt par la précision trop poussée, tantôt par la négligence, tantôt par l'aveu de choses plus ou moins honteuses, mais toujours choisies, - aussi bien choisies que possible, - toujours, et par tous moyens, qu'il s'agisse de Pascal, de Diderot, de Rousseau ou de Beyle, et que la nudité qu'on nous exhibe soit d'un pécheur, d'un cynique, d'un moraliste ou d'un libertin, elle est inévitablement éclairée, colorée et fardée selon toutes les règles du théâtre mental.
Nous savons bien qu'on ne se dévoile que pour quelque effet. Un grand saint le savait qui se dévêtit sur la place. Tout ce qui est contre l'usage est contre nature, implique l'effort, la conscience de l'effort, l'intention, et donc l'artifice. Une femme qui se met nue, c'est comme si elle entrait en scène.
Il y a donc deux manières de falsifier: l'une par le travail d'embellir; l'autre par l'application à faire vrai.
Ce dernier cas est peut-être celui qui révèle la plus pressante prétention. Il marque aussi un certain désespoir d'exciter l'intérêt public par les moyens purement littéraires. L'érotisme n'est jamais loin des véridiques.
D'ailleurs, les auteurs de confessions ou de souvenirs ou de journaux intimes sont invariablement les dupes de leur espoir