Dissertation
Cet essai contre la peine de mort a été publié en 1957 dans la Nouvelle Revue Française avant de l’être, aux côtés de deux études d’Arthur Koestler et de Jean Bloch-Michel, dans un livre intitulé Réflexions sur la peine capitale. Très tôt, Camus a été sensible à la question de la peine de mort et de l’exécution par la guillotine. Son œuvre littéraire en parle à diverses reprises dans L’Envers et l’Endroit, L’Étranger ou encore La Peste. Au début du présent essai, Camus rappelle l’une des rares anecdotes qu’il connaît au sujet de son père qui, ayant assisté à une exécution publique, en revient complètement bouleversé. Cette anecdote se retrouve dans Le Premier Homme. Camus se fixe pour objectif de démystifier la peine de mort, en dévoilant la réalité crue au-delà des clichés et des formules journalistiques. Il passe d’abord en revue les arguments classiques en faveur de la peine de mort que Victor Hugo avait combattus en son temps dans sa célèbre préface au Journal d’un condamné à mort. Puis il développe sa signification à l’époque contemporaine marquée par la désacralisation de la société et le renforcement de la toute puissance de l’État.
À ceux qui soulignent le caractère dissuasif de la peine de mort, Camus répond que la société elle-même n’y croit pas puisqu’elle a rendu quasi secrètes les exécutions qui avaient lieu autrefois sur la place publique; que les statistiques n’ont jamais constaté une augmentation de la criminalité dans les pays abolitionnistes ; qu’on ne tient pas compte de la psychologie du meurtrier plus poussé par la passion ou l’instinct de mort que freiné par une loi. « Il craindra la mort après le jugement et non avant le crime » (Folio, p. 158).
Camus voit avant tout dans la condamnation à mort la persistance de la vieille loi du talion sous ses deux aspects. Elle est d’une part la réalisation d’une vengeance qui est un sentiment de l’ordre de la nature et de l’instinct alors que la loi devrait