Disserte
1. Une vision souvent pessimiste du monde
Il faut concéder à Rousseau que les fables présentent souvent une vision
pessimiste de la vie, qui n'a rien de merveilleux : dans le monde des fables, les
Animaux contractent la peste qui les déciment, le Cerf tombe malade (« Le
Cerf malade »), le Loup a faim, le Chien est privé de sa liberté et porte les
marques du collier… Jean Anouilh, qui lui aussi écrivit des fables au XX siècle,
constate que l'image du monde qu'offrent ses propres fables est marquée par
le pessimisme : on y voit que « l'amour n'est jamais partagé ».
2. Les fables consacrent le triomphe de la duplicité, de l'hypocrisie et de la force
Et, quand il ne s'agit plus de simple tableau du monde et de la destinée, mais
des rapports sociaux, les fables consacrent le plus souvent le triomphe de la
duplicité, de l'hypocrisie et de la force.
Chacun y est berné par les plus malins – et le Renard, « vieux routier et bon
politique » (« Le Lion »), se charge le plus souvent du rôle de trompeur pour
ainsi dire « professionnel » : une fois sorti du puits, il laisse le Bouc au fond, il
vole son fromage au Corbeau, et cela en toute impunité, puisque, son forfait
commis, il retourne à ses « affaire(s) »…
Le Lion use sans obstacle de sa force et quand bien même on s'allie contre lui,
il triomphe : dans la fable « Le Lion » (XI, 1) le Léopard et le Renard ont beau
s'associer contre lui :
« Nul n'y gagna, tous y perdirent.
Quoique fît ce monde ennemi,
Celui qu'ils craignaient fut le maître. »
« Le Loup et l'Agneau » commence bien par « La raison du plus fort est
toujours la meilleure »…
Au fond, on nous peint un monde où les trompeurs et les puissants sont
présentés de façon avantageuse et où les victimes sont souvent sottes ou
vaniteuses, témoin le Corbeau et son fromage, ou encore l'Âne qui donne pour
tous les autres en tribut au ciel sa propre vie