Droit à la differnce
L’image de la mer chez Victor Hugo
Après Chateaubriand, il convient de s’arrêter à Victor Hugo. Mais son œuvre est si vaste qu’il est bien difficile en quelques pages de parler comme il faut de ce qui fut pour l’exilé de Jersey et de Guernesey une présence de plusieurs années, présence ô combien envahissante d’ailleurs. Nous voulons simplement déterminer dans ses grandes lignes ce que fut pour Hugo la compagnie de l’océan.
Pourquoi s’arrêter plus spécialement à Victor Hugo ? Sinon parce que Corbière semble tirer un grand trait sur toute la production de celui qu’il nomme le « Garde National épique ». Or il nous semble que la poésie océanique de Hugo mérite quelque intérêt ; d’autre part, l’auteur des Amours jaunes est souverainement injuste à l’égard de celui avec qui, curieusement, il opère des rencontres pour le moins surprenantes. Nous y reviendrons plus loin.
On peut dire qu’Hugo découvre vraiment la mer en août 1834, au cours d’un voyage dans le Morbihan avec Juliette Drouet. Ce qui le frappe alors, si nous en croyons « Au bord de la mer » des Chants du crépuscule, c’est l’immensité, l’harmonie de la terre et de l’Océan, où la proue comme la charrue trace un sillon, où le ciel prolonge les flots. Tout se termine sur l’infini de l’amour. Cette poésie retentit encore des accents lamartiniens lyriques et mystiques, elle est floue et irréelle, elle fait entendre une musique des flots qui louent le Seigneur. Deux ans plus tard, en juin 1836, à St Valéry en Caux, il assiste à une vraie tempête que l’on retrouvera dans « Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir » dans les Voix intérieures.
De ses premières approches, Hugo sent la mer comme une présence hostile. Il éprouve un malaise. Aucun des poèmes écrits entre 1834 et 1836 ne la révèle comme une présence amie et riante. Elle est à la rigueur un spectacle neutre, elle est plutôt celle qui attaque. Hugo, fasciné, reviendra plusieurs fois vers elle. Malgré l’inimitié, il éprouve un sentiment