Dépend-il de nous d'être heureux ?
Le bonheur est la finalité, le but même de toute existence. Même si c'est à travers notre vie amoureuse, professionnelle, familiale, c'est finalement toujours le bonheur que nous recherchons en définitive. Comment ce qu'il y a de plus important pourrait-il ne pas dépendre de nous ? Et pourtant, nous savons tous que tout bonheur est fragile, qu'il dépend d'une maladie, d'un décès, d'un revers de fortune. Par ailleurs, comme le dit le philosophe Alain, « le bonheur est une récompense qui vient à ceux qui ne l'ont pas cherchée ». Le meilleur moyen de ne pas le rencontrer serait de le poursuivre. Il n'y aurait donc aucun lien entre ma ténacité à le chercher, voire avec la moralité de mon existence. Prospérité du vice ? C'est ce scandale qu'il s'agira d'élucider. Si le bonheur ne dépend pas de nous, notre vie morale n'est-elle pas la victime du hasard, entraînant pessimisme et désespoir ? Mais s'il dépend de nous d'être heureux, quelles sont les recettes du bonheur ? Sont-elles seulement accessibles à chacun ? La résolution du problème tourne autour de ce « nous », qui peut désigner le sujet individuel, mais également le membre d'une communauté. Si le bonheur dépend de moi seul, au risque de l'égoïsme, il faudra chercher dans le « nous » sa condition de possibilité.
1. Le bonheur ne dépend pas de nous
A. Le bonheur, ce souverain bien que nous cherchons tous…
Le bonheur, même si on n'y pense jamais, est ce que nous recherchons tous. Il est l'objet d'un désir universel. Comme l'écrit Blaise Pascal, « Tous les hommes recherchent d'être heureux. Cela sans exception, quelque différents moyens qu'ils y emploient. Ils tendent tous à ce but ». En effet, même si nous avons l'impression de rechercher autre chose — l'amour, la gloire, l'argent, une vie de famille heureuse —, ce ne sont que des moyens pour quelque chose d'ultime : le bonheur. C'est ainsi que pour un philosophe comme Aristote, le bonheur est le « souverain Bien »