Efficience informationnelle versus finance comportementale
André Orléan – 090507 À paraître dans : Axes de la recherche en sciences économiques CEPREMAP, Presses de la Rue d’Ulm, 2007
La théorie financière est cette branche de l’économie qui a pour objet principal d’investigation l’évaluation des actifs financiers. Ce domaine de recherche jouit d’une grande autonomie au sein de la discipline économique1. Parce que les actifs financiers sont des droits sur des revenus futurs, échelonnés au cours du temps et le plus souvent incertains, les questions de risque et, plus généralement, de rapport à l’avenir y occupent une place prépondérante. Tout le travail de l’économie financière, depuis au moins la thèse de Louis Bachelier (1900), a consisté à concevoir un cadre théorique permettant de rendre intelligible le hasard boursier2. Il s’en est suivi un effort prolongé sur presque un siècle, caractérisé par une forte cumulativité des résultats, effort collectif qui a fini par déboucher, au début des années quatre vingt, sur un formalisme à la fois d’une très grande élégance et d’une très grande rigueur3. À partir d’un nombre réduit d’hypothèses, la finance néoclassique a réussi à unifier un riche ensemble de résultats (formule du CAPM, formule Black-Sholes, efficience informationnelle ou théorème Modigliani-Miller) en démontrant qu’ils pouvaient tous être repensés dans un cadre unique d’évaluation dont l’opérateur central est la « martingale sous la probabilité risque neutre4 ». Cette réussite formelle incontestable a pu faire dire à certains que la finance néoclassique est « la plus scientifique de toutes les sciences sociales » (Ross, 2004, 10). Si, bien évidemment, ces succès théoriques jouent un rôle important dans la manière dont la finance actuelle conçoit ses programmes de recherche, étonnamment une grande partie de ceux-ci échappe à son influence. On observe, en effet, que, malgré ses résultats impressionnants, la prépondérance de cette