emmanuel Kant et l'altérité
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La phénoménologie husserlienne restant prisonnière de la représentation et de la perception, la voie d'accès à l'existence d'autrui, à l'intersubjectivité, ne se trouverait-elle pas du côté du sentiment, de l'affectivité (Einfühlung), laquelle relie les êtres en deçà de la dualité sujet-objet, dans la mesure où elle met directement « en présence de... » sans l'intermédiaire de la représentation ? Ce fut la voie qu'emprunta Max Scheler en privilégiant la sympathie, perception ou encore compréhension affective des émotions d'autrui, qui laisse subsister la différence entre ce qu'autrui ressent et ce que je ressens moi-même à la vue de ses peines ou de ses joies. Mais pourquoi privilégier la sympathie, plutôt que la haine ou la colère, parmi toutes les affections humaines ? N'est-ce pas omettre le moment de négativité constitutif des relations interhumaines telles que la dialectique du maître et de l'esclave chez Hegel ou la lutte des classes chez Marx ? En outre, nonobstant les nuances qu'introduit Max Scheler entre le partage direct de la joie ou de la souffrance d'autrui, la contagion affective, la fusion affective, et la compréhension affective, se pose néanmoins le problème d'éviter que la sympathie ne se perde en autrui, ne l'absorbe, tout comme Heidegger distinguera entre une sollicitude (Fürsorge) affairée et qui assujettit autrui (Besorgen), et une sollicitude plus authentique (Sorge) qui, en laissant être autrui, le libérerait.
Cette limite à la sympathie, Kant l'avait découverte pour sa part dans la notion de respect, notion au sein de laquelle émerge l'expérience d'autrui. Le sujet accède à sa qualité de sujet transcendantal dès lors qu'il manifeste sa volonté de surmonter ses désirs et ses inclinations particuliers en adhérant au principe d'une législation universelle : « Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse en même temps toujours valoir comme principe d'une législation univer […]