Histoire, philosophie, médecine: la naissance de l'épistémè en Grèce ancienne Claude Obadia Copyright Espace-prépas, 2006

Si chacun sait que le V° siècle avant J.-C. a marqué l'histoire de la Grèce en entérinant les réformes démocratiques du VI° siècle et en donnant naissance, à travers le personnage de Socrate, au discours de vérité qui va déterminer l'émergence de la philosophie, il convient de souligner deux choses. Premièrement, cette période voit aussi se développer, d'une part cette nouvelle manière de raconter le passé que va constituer l'histoire, et d'autre part, à travers l'œuvre d'Hippocrate, une forme inédite de la médecine qui va donner à celle-ci des fondements scientifiques qui perdureront jusqu'à aujourd'hui. Hippocrate élabore, en effet, la notion de symptôme, qui renvoie à l'idée d'une causalité naturelle et d'un rapport liant la maladie à ses manifestations cliniques. Deuxièment, si la philosophie, l'histoire et la médecine se caractérisent à cette époque par la promotion conjointe du souci de vérité, cette dominante éristique reflète, quant à elle, un bouleversement qui outrepasse le champ étroit de la connaissance. Car en découvrant qu'ils sont relativement responsables de leur devenir historique et politique et en développant une approche naturaliste et déterministe de la maladie, les Grecs ont par-là même pris conscience que tout n'est pas forcément soumis à la fatalité et qu'ils ne sont pas totalement prisonniers du destin. Or, cette découverte, qui n'est autre que celle de la liberté, constituera un axe majeur du développement de la rationalité occidentale. C'est donc en analysant pas à pas différentes expressions de ce passage tellement fécond du muthos au logos, et en suivant tout aussi bien les chemins de la vérité triomphant des sophismes que les survivances, surprenantes parfois, de la pensée mythographique, que nous pourrons apercevoir, dans l'espace culturel de la Grèce de Périclès, l'avènement d'une forme inédite de rationalité,