Et Le Chevalier Roland S En Vint La Tour Noire
Je pensai tout de suite, il ment à chaque mot,
Ce vieil estropié à l’œil si sournois,
Guettant dans mes prunelles l’œuvre de sa duperie,
Sa bouche non sans peine dissimulant une joie
Qui en pinçait et plissait les contours,
Alléchée par la vue d’une victime nouvelle.
II
Qu’attendrait-il d’autre, son bâton à la main ?
Qu’attendrait-il ? sinon d’accoster et de tromper
Le voyageur qui le découvrirait en cet endroit posté,
Et lui demanderait sa route ? J’imaginais alors le rire
De ce crâne grimaçant, et voyais sa béquille désœuvrée
Tracer mon épitaphe dans la poussière du chemin,
III
Si d’aventure, sur son conseil, je m’engageais
Sur la sente sinistre qui, aux dires de chacun,
Cache la Tour Sombre. Malgré tout, j’obéis
Et suivis la route indiquée par son doigt : la gloire,
Ni l’espoir rallumé par la vision de l’arrivée ne me poussaient,
Mais la simple joie d’entrevoir la fin du voyage.
IV
Pour avoir tant erré par le vaste monde,
Pour avoir tant d’années à ma quête voué,
Mon espoir n’est plus qu’un fantôme qui chancelle
Devant la joie tonitruante qu’eût donné le succès,
C’est à peine si j’essayai de retenir le bond
Que fit mon cœur devant le spectacle de ma défaite.
V
Semblable au malade qui sur son lit de mort
A tout l’air d’un défunt, qui voit poindre et tarir
Les pleurs de ses amis, qui reçoit leurs adieux,
Entend l’un s’inviter l’autre à se retirer, à prendre
L’air frais dehors (« Puisque tout est fini, dit-on,
Et qu’aucune plainte ne peut réparer le coup du sort ») ;
VI
Pendant que l’on s‘inquiète de savoir si sa tombe
Trouvera une place à côté des autres, du jour
Le plus approprié pour emporter la dépouille,
Du choix des bannières, des hampes et du linceul,
L’homme entend tout cela et désire ardemment
Ne pas démériter, en tardant à passer, ce tendre attachement.
VII
J’endurai de telles souffrances au cours de la quête,
J’entendis si souvent de funestes augures, on me compta
Tant de fois parmi les rangs de « La Troupe » – celle
Des chevaliers qui à la quête de