Ethnocentrisme
Ces questions capitales, soulevées dans le public au cours du premier tiers du XXè siècle, a occasionné deux grandes tendances intellectuelles différentes mais (en partie) compatibles. En raison des sentiments ambigus et profonds auxquels elles répondent, elles sont en passe de devenir des préjugés modernes.
La première tendance, inspirée en partie par les mouvements écologistes, en partie par la culpabilité que peuvent ressentir certains Occidentaux à l'égard des horreurs coloniales commises par leurs ancêtres dans le monde entier, consiste à rejeter par principe les grilles de lectures occidentales (jugées inadéquates et viciées), tout en revalorisant les pratiques des cultures "traditionnelles". Cette inversion des connotations amène à accréditer l'idée que les peuples supposés "proches de la nature" (souvent au seul motif qu'ils vivent plutôt en forêt qu'en banlieue) auraient su préserver une "sagesse" (entendue ici au sens de "préceptes de vie quotidienne") fondée sur "l'harmonie" avec "la nature" (identifiée, ou peu s'en faut, à la faune et la flore) par laquelle l'humain "respecterait" son environnement, c'est-à-dire ne chercherait pas à le dominer à son profit, ni à y usurper une place "excessive" (excessive par rapport à quoi ? c'est ce qu'on se garde bien d'examiner). En négatif, nous autres Occidentaux urbanisés aurions "oublié" cette sagesse, que nous aurions remplacée par des connaissances efficaces, peut-être, mais désolantes parce qu'elles désenchantent le monde et nous conduisent à un rapport de violence avec l'environnement. A substituer l'outil à la formule magique, et l'antibiotique au chamane, nous aurions signé notre malheur. Signalons tout de suite la très grande fréquence de cette double image dans l'esprit occidental contemporain. Il figure par exemple dans le Seigneur des anneaux de Tolkien, où Gandalf "le sage" (gentil et loyal) affronte et vainc Saroumane "le savant" (méchant