Etude d' « une vie », de maupassant
– I. Lecture méthodique : « Le baptême de la Jeanne », chap. III (de « Le jeune homme gardait » jusqu'à « chanter les boyaux »). –
Dans le roman de l'échec et du vide qu'est Une vie, le chapitre III peut encore passer pour une période de plénitude dans la vie de la jeune héroïne Jeanne Le Perthuis desVauds. Elle y fait la connaissance de son futur mari, le vicomte Julien de Lamare. Nous sommes en juin 1819.
Ce matin-là, sur la plage d'Yport, le père Lastique fait baptiser sa nouvelle barque. Pour la jeune fille, ses rêves les plus chers semblent soudain se réaliser : elle croit qu'on la marie à Julien. La cérémonie donne lieu à deux lectures simultanées fort différentes.
L'hypothèse dont nous voulons vérifier la validité sera la suivante : en dépit du caractère banal et conventionnel du baptême de la barque, la protagoniste remplace cette version officielle par une forme d'anticipation de son propre mariage en raison d'indices convergents qui ne sont pas tous dus au hasard.
Etudions tout d'abord les circonstances de la cérémonie. Pour jouer cette scène pittoresque, une assistance mélangée a été invitée ; on y trouve bien sûr le baron, la baronne, le parrain Julien, la marraine Jeanne, l'abbé Picot, mais aussi des gens du peuple : trois vieux chantres, un serpent, des matelots, deux enfants de chœur, « une rangée de dévotes » (p. 48), et l'inévitable père Lastique. La nature elle-même paraît participer au baptême comme une complice : la mer est « recueillie » et les mouettes semblent venues «comme pour voir aussi ce qu'on faisait là» (ibid.). La cérémonie se résume d'ailleurs à une bénédiction avec prières psalmodiées et chants. Pendant que le prêtre murmure des oremus à la fin du baptême, le parrain Julien et la marraine Jeanne se tiennent « immobiles, la main dans la main » (p. 49). Dès que la cérémonie est terminée, la précipitation générale trahit ce pour quoi l'assistance était vraiment venue : il s'agissait