Exemple de plaidoirie, claude gueux
Messieurs, Mesdames les Jurés, Cet homme qui se tient là, devant vous, il à voler. Cet homme à tuer. Mais ce n’est pas le voleur que je défends ! Mais ce n’est pas le tueur que je défends ! C’est l’homme que je défends ! L’homme que la société a poussé à voler ! L’homme que la société a poussé à tuer ! L’homme emprisonné, séparé de sa famille, sui perd ses repères lorsqu’on le sépare de son ami, son frère ! L’homme poussé à bout par les sarcasmes de son geôlier, poussé au désespoir et qui commet l’irréparable. Aussi, il faut condamner cet homme pour un crime qu’il a certes commis, mais pas le bannir définitivement de cette terre, où il avait sa place. Ecoutez, voyez, analysez, réfléchissez. Vous tenez à l’exemple. Pourquoi ? Pour ce qu’il enseigne. Que voulez-vous enseigner avec votre exemple ? Qu’il ne faut pas tuer. Et comment enseignez-vous qu’il ne faut pas tuer ? En tuant ! Et bien, songez-y, Messieurs, Mesdames les Jurés, qu’est-ce que la peine de mort ? La peine de mort n’est rien qu’une sentence horrible et inutile, rien qu’une voie de fait sanglante qui s’appelle crime quand c’est l’individu qui l’accomplit, et qui s’appelle justice quand c’est la société qui l’ordonne. Sachez ceci, qui que vous soyez, présidents ou juges, aux yeux de Dieu, aux yeux de la conscience, ce qui est crime pour l’individu est crime pour la société. La peine de mort n’est qu’une pénalité sauvage, cette vieille et inintelligente loi de Talion, cette loi du sang pour le sang, or le crime se rachète par le remords et non par un coup de hache ou un nœud coulant ; le sang se lave avec des larmes et non avec le sang ! La peine de mort n’est que le signe spécial et éternel de la barbarie. Partout où la peine de mort est de rigueur, la barbarie domine. Partout où la peine de mort est rare, la civilisation règne. Et le maître mot de la civilisation, c’est "l’inviolabilité" de la vie humaine. Or, nombreux sont ceux qui