Explication de texte : lancelot, ou le chevalier de la charrette, passage du pont-de-l'épée
Le passage du Pont-de-l’épée (v. 3094 à 3129)
Ce passage se situe au centre structurel et diégétique de l’œuvre. Il en constitue la clé de voûte, puisqu’il est le passage obligé de Lancelot sur son chemin vers le royaume de Gorre, dans sa quête de la reine Guenièvre. Le passage du Pont-de-l’épée est une épreuve qui appelle un héros, et ce héros est longuement préparé à son épreuve, pendant presque cent vers, qui précèdent notre passage (depuis le v. 3007) : l’épreuve est longuement décrite comme représentant un danger extrême, les eaux étant comparées au Styx : « con se fust li fluns au deable » (v. 3012) et l’épée mesurant l’importante longueur de « deus lances » (v. 3025). Mais Lancelot ne faiblit pas et, quelques vers avant notre extrait, fait une véritable profession de foi du héros : « Mialz voel morir que retorner ! » (v. 3090). À cela répondent, en une antithèse totale, les deux jeunes hommes qui l’accompagnent : « [mes] de pitié plore et sopire/li uns et li autres molt fort. » (v. 3092-3093). Nous arrivons donc au passage proprement dit, que le lecteur attend depuis un certain temps déjà, et qu’il attend alors dans une certaine incertitude. En effet, les deux jeunes hommes pleurent, car la décision de Lancelot est funeste. La détermination héroïque de Lancelot a pour effet un deuil anticipé. L’exploit héroïque n’est donc plus un succès nécessaire, mais appartient seulement au domaine du possible ; il est questionné dans sa valeur, dans sa définition même. Lecture. Dans ce passage donc, Lancelot remporte l’épreuve et parvient, non sans mal, à traverser le pont coupant et à ne pas choir dans les eaux mortelles. Ce passage s’articule selon trois mouvements. Premièrement, jusqu’à « souler ne chauce n’avanpié. » (v. 3104), la toute fin de la préparation du chevalier est l’occasion pour le narrateur de faire « monter la pression », de renforcer et de couronner l’attente et la tension du lecteur. Lancelot se prépare à passer le pont, nous aussi.