explication poème "ne plus partager" eluard
« Nouveaux poèmes » in Capitale de la douleur
« Ne plus partager »
Au soir de la folie, nu et clair,
L’espace entre les choses a la forme de mes paroles,
La forme des paroles d’un inconnu,
D’un vagabond qui dénoue la ceinture de sa gorge
Et qui prend les échos au lasso.
Entre des arbres et des barrières,
Entre des murs et des mâchoires,
Entre ce grand oiseau tremblant
Et la colline qui l’accable,
L’espace a la forme de mes regards.
Mes yeux sont inutiles,
Le règne de la poussière est fini,
La chevelure de la route a mis son manteau rigide,
Elle ne fuit plus, je ne bouge plus,
Tous les ponts sont coupés, le ciel n’y passera plus,
Je peux bien n’y plus voir.
Le monde se détache de mon univers
Et, tout au sommet des batailles,
Quand la saison du sang se fane dans mon cerveau,
Je distingue le jour de cette clarté d’homme
Qui est la mienne,
Je distingue le vertige de la liberté,
La mort de l’ivresse,
Le sommeil du rêve,
Ô reflets sur moi-même ! ô mes reflets sanglants !
Introduction, situation du poème
La dernière section du recueil « Capitale de la douleur » intitulée « Nouveaux poèmes » intègre 45 poèmes aux formes hétérogènes, poèmes en prose majoritaires mais aussi empruntant de nouveau à la versification traditionnelle. Parmi ces « nouveaux » poèmes, seuls 14 peuvent être considérés comme véritablement inédits, les autres étant déjà parus en revue. Il faudrait donc entendre l’épithète « nouveaux » davantage comme le signe d’une inspiration nouvelle que comme une information de nature éditoriale. Composés de 1924 à 1926, ils sont dédiés à G., autrement dit à Gala, son épouse et muse. Cette section obéit à une logique de regroupement assez cohérente lorsque Paul Eluard fait paraître le recueil Capitale de la douleur: en effet, ces poèmes évoquent les mouvements de la séparation puis des heureuses retrouvailles avec la femme aimée, célébrant les différents tourments et