Extrait Le Fils du pauvre
Mouloud Feraoun commence à écrire Le Fils du pauvre dès 1939, l'achève en 1948, mais ne réussit à publier ce récit pour la première fois qu'en 1950. Parmi les littératures du Maghreb dites francophones, l'œuvre a acquis un statut de classique, notamment auprès de la critique et de l'institution scolaire, qui reconnaît ce texte comme un témoignage ethnographique. Nous tenterons d’étudier un extrait de ce récit afin de comprendre pourquoi il est l'emblème de cette littérature maghrébine francophone, qui connaissait, à l’époque, son émergence.
Extrait :
Le touriste qui ose pénétrer au cœur de la Kabylie admire par conviction ou par devoir des sites qu'il trouve merveilleux, des paysages qui lui semblent pleins de poésie et éprouve toujours une indulgente sympathie pour les mœurs des habitants.
On peut le croire sans difficultés, du moment qu'il retrouve n'importe où les mêmes merveilles, la même poésie et qu'il éprouve chaque fois la même sympathie. Il n'y a aucune raison pour qu'on ne voie pas en Kabylie ce qu'on voit également un peu partout. Mille pardons à tous les touristes. C'est parce que vous passez en touristes que vous découvrez ces merveilles et cette poésie. Votre rêve se termine à votre retour chez vous et la banalité vous attend sur le seuil.
Nous, Kabyles, nous comprenons qu'on loue notre pays. Nous aimons même qu'on nous cache sa vulgarité sous des qualificatifs flatteurs. Cependant nous imaginons très bien l'impression insignifiante que laisse sur le visiteur le plus complaisant la vue de nos pauvres villages.
Tizi est une agglomération de deux mille habitants. Ses maisons s'agrippent l'une derrière l'autre sur le sommet d'une crête comme les gigantesques vertèbres de quelque monstre préhistorique : deux cents mètres de long, une rue principale qui n'est qu'un tronçon d'un chemin de tribu reliant plusieurs villages, conduisant à la route carrossable et