Fables
Maître Corbeau, sur un arbre perché,Tenait en son bec un fromage.Maître Renard, par l’odeur alléché,Lui tint à peu près ce langage :«Hé! bonjour, Monsieur du Corbeau.Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!Sans mentir, si votre ramageSe rapporte à votre plumage,Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.»À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie:Et pour montrer sa belle voix,Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.Le Renard s’en saisit, et dit: «Mon bon Monsieur,Apprenez que tout flatteurVit aux dépens de celui qui l’écoute.Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.»Le Corbeau honteux et confus,Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
La Belette entrée dans un grenier
Damoiselle Belette, au corps long et flouet,Entra dans un Grenier par un trou fort étroit :Elle sortait de maladie.Là, vivant à discrétion,La galante fit chère lie,Mangea, rongea : Dieu sait la vie,Et le lard qui périt en cette occasion !La voilà, pour conclusion,Grasse, mafflue et rebondie.Au bout de la semaine, ayant dîné son soû,Elle entend quelque bruit, veut sortir par le trou,Ne peut plus repasser, et croit s'être mépriseAprès avoir fait quelques tours,"C'est, dit-elle, l'endroit : me voilà bien surprise ;J'ai passé par ici depuis cinq ou six jours. "Un Rat, qui la voyait en peine,Lui dit : "Vous aviez lors la panse un peu moins pleine.Vous êtes maigre entrée, il faut maigre sortir.Ce que je vous dis là, l'on le dit à bien d'autres ;Mais ne confondons point, par trop approfondir,Leurs affaires avec les vôtres. "
Les Animaux malades de la peste
Un mal qui répand la terreur,Mal que le Ciel en sa fureurInventa pour punir les crimes de la terre,La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,Faisait aux animaux la guerre.Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :On n'en voyait point d'occupésA chercher le soutien d'une mourante vie ;Nul mets n'excitait leur envie ;Ni Loups ni