Ferragus
Victor Leroy avait dix-huit ans lorsque ses parents sont morts de façon mystérieuse. Il avait vécu paisiblement jusqu’à ses huit ans. Il habitait une région de campagne au Centre de la France, sa mère ne travaillait pas et son père était mineur mais la forte exploitation de la mine au début des années 1860 suffisait amplement à nourrir cette famille. Ils demeuraient dans une petite maison en pierres, elle était très charmante cette maisonnette avec ses yeux de bœuf sous le toit et son petit jardin entretenu à l’arrière. La demeure se trouvait entre le village d’Artins et celui de Souge, à six ou sept kilomètres de Troo. La famille n’était pas particulièrement aisée mais la vie était assez agréable pour elle. Les années passèrent paisiblement. Victor se souvient encore des délicieux plats que lui préparait sa mère ; les côtes de porc caramélisées, les légumes du jardin à la vapeur, lorsqu’il mangeait cela, tous ses sens étaient en éveil. Victor avait la chance de pouvoir aller à l’école et lorsqu’il revenait, la seule chose à laquelle il pensait était à ce qu’il allait manger le soir. En effet sa mère, Joséphine, une belle femme, avait un réel don pour la cuisine. Son père, Charles, revenait toujours du travail, une heure après Victor, c’était un homme court mais très bien bâti et endurci par des années de travail. Victor aimait passer du temps avec son père mais rien ne lui plaisait plus qu’aider sa mère à cuisiner. Dans ces moments-là il aurait voulu que le temps s’arrête. Lors de l’année 1866 les évènements se précipitèrent, Victor avait huit ans. Charles, un soir, rentra à la maison, comme tous les soirs mais quelque chose de différent apparaissait dans son attitude. Il ordonna à Victor d’aller dans sa chambre et il s’assit à table face à Joséphine. Durant de longues minutes Charles parla à Joséphine, tandis qu’elle, ne disait rien. Victor, lui, essayait d’écouter la conversation mais aucuns des mots graves du père n’arrivaient jusqu’à ses