Fiche de lecture de la pièce lucrèce borgia acte ii scène ii
Il existe un point de contact entre Flaubert et Taine, plus important que leur correspondance et que leurs rencontres aux dîners Magny : il s’agit d’un désir, d’une tendance qui inspire, en dépit de leurs différences, Stendhal, Baudelaire, Flaubert et Taine. C’est la poétique du dépouillement ou l’idéal de l’âpreté. Voilà ce que j’essayais de dire dans une conférence à Genève le jour où je fis la connaissance de Guglielmo Gorni, en décembre 1994. Stendhal sait depuis longtemps qu’il a en horreur le style orné de Chateaubriand et que le Code civil est pour lui l’antidote aux longueurs et langueurs rhétoriques de ses contemporains, ainsi qu’il l’écrit à Balzac en 1840, répondant aux éloges que ce dernier avait exprimés pour La Chartreuse de Parme : « En composant la Chartreuse, pour prendre le ton, je lisais de temps en temps quelques pages du Code civil. »1 Il justifie ce qu’il appelle le style un peu trop âpre du Rouge et le Noir par sa hantise de la verbosité inutile. Dans son Journal, il parle souvent des goûts de Dominique, c’est-à-dire de lui-même : « L’horreur de Dominique pour les longues phrases emphatiques des gens d’esprit de 1830 l’a jeté dans l’abrupt, dans le heurté, le saccadé, le dur. »2 Baudelaire est tout dans le dépouillement et l’âpreté : en témoignent les spasmes de ses vers, la rareté de sa production poétique, et surtout l’idée souvent exprimée que l’art est le sacrifice du détail. Dans le Salon de 1846, en parlant du colorisme, il affirme la nécessité de saisir les masses et les lignes principales. Delacroix est pour Baudelaire l’exemple parfait de ce parti pris dans l’art : « L’exercice d’une dominante n’a légitimement lieu qu’au détriment du reste. Un goût excessif nécessite les sacrifices, et les chefs-d’œuvre ne sont jamais que des extraits divers de la nature. »3 Quant à Flaubert, il suffirait de citer la célèbre phrase sur le livre sur rien comme le programme le plus