Fiction et éthique dans Le Petit Prince
« Jamais l’humanité n’a consommé autant de fiction que de nos jours »1 s’exclamait Jean-Marie Schaeffer. Depuis toujours, les œuvres de fiction de quelque nature qu’elles soient enchantent l’homme. Et le succès de la fiction va grandissant à mesure que les moyens « d’assouvir cette soif d’univers imaginaire » 2 se développent. Mais depuis Platon, la question de « Pourquoi la fiction ? » est retournée maintes fois dans la tête de bien des chercheurs. Une ébauche de réponse se trouve peut-être dans ce que dit F. Leichter-Flack, pour qui la littérature contribue « à l’élaboration d’un modèle de raisonnement moral ancré dans un contexte spécifique, mais pertinent au-delà de lui ». La fiction, ajoute-t-elle, « porte en elle une formidable réserve de sens que le raisonnement théorique ne peut combler. Elle apprend à faire avec l’émotion, à ne pas croire qu’en matière de justice les idées peuvent suffire. »3
Cette remarque de Leichter-Flack fait bien remarquer que la fiction est certainement le moyen qui exprime le mieux les plus grandes vérités. Cette idée n’explique-t-elle pas d’une certaine façon la soif de l’homme pour les fictions par lesquelles il assouvit aussi sa soif de vérité et de justice? Et si la littérature prend à cœur son noble rôle de prendre la parole au nom de l’humanité pour rejoindre le lecteur dans son individualité, pour le mettre en relation avec d’autres ou encore pour l’orienter vers un idéal humain, et cela à travers une œuvre de fiction, n’est-ce pas toucher l’être humain dans son humanité vécue avec d’autres ? N’est-ce pas permettre au lecteur de se mettre face à l’Autre, dans son rapport à l’altérité ? C’est donc, fascinée par cet art, que possède la fiction, d’enseigner par la révélation d’une histoire particulière que nous nous sommes engagée à l’étude de Fiction et éthique dans Le Petit Prince4 d’Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944).
Notre dynamique de recherche se fonde ainsi sur les notions de fiction et d’éthique