Foessel pense l'apocalypse
Michaël Foessel « N'importe quel monde ne mérite pas d'être défendu »
Le Monde 23.11.12
Dans son nouvel essai, « Après la fin du monde », le philosophe Michaël Foessel montre l'omniprésence, dans les sociétés occidentales, des discours apocalyptiques, et comment ils risquent d'étouffer la vie démocratique.
Michaël Foessel est maître de conférences à l'université de Bourgogne, spécialiste de philosophie allemande et de philosophie politique. Il explique comment, selon lui, les thèmes apocalyptiques servent à légitimer les politiques publiques.
Le 21 décembre approche : peut-on faire un lien entre les prophéties apocalyptiques fantaisistes et les discours, portés par l'institution scientifique et politique, sur l'extinction de la vie sur Terre ?
Il faut saisir le phénomène à plusieurs niveaux d'entrée. D'abord l'intérêt pour ces prophéties est un symptôme. Même si on cherche une parure mythologique chez les Mayas, il s'agit surtout d'un phénomène occidental, voire européen, qui concorde avec un sentiment, qui nous est propre, de décadence. Nous avons la sensation d'être sortis de la roue de l'Histoire ; nous sommes les témoins de la fin de notre monde tel qu'il était constitué autour de valeurs comme le progrès, la croissance économique, etc. D'autre part, si l'on regarde la formulation politique de ces discours, ils nous font entrer dans un nouvel âge : notre rapport au temps n'est plus présidé par le progrès. Les politiques publiques sont légitimées, au contraire, par l'évidence de la catastrophe à venir : il faut « sauver », « préserver »... Ainsi l'apocalypse se retrouve mise au service de politiques rationnelles. Ce qui me semble très neuf, c'est ce point de rencontre entre l'imaginaire de la fin du monde et la rationalité instrumentale. On assiste à la rationalisation de ce qui pouvait apparaître il y a encore peu de temps comme la figure même de l'irrationnel, la crainte de la fin des temps.
Vous faites l'hypothèse, dans