Foglia
Je suis un peu déssus
Stéphane Lévesque, jeune prof de français à la polyvalente Jean-Baptiste-Meilleur, à Repentigny, a fait lire Les enfants moules à ses secondaires 4. C'est une chronique sur l'éducation que j'ai écrite il y a longtemps. « Je les ai crinqués pendant deux bonnes semaines, me raconte Stéphane, je leur disais : lisez attentivement, le journaliste vous traite de petits cons dans son article.»
Il leur a ensuite commandé un texte d'opinion d'une page: « Franchement, s'étonne-t-il encore aujourd'hui, je n'ai jamais vu des élèves aussi enragés et passionnés devant une tâche académique. Je vous envoie leurs copies.»
67 copies traversées, effectivement, par une fébrile urgence de dire. La chose est rare, je crois. Les devoirs, par définition, sont « obligés». Pas ici. Ces enfants-Ià avaient quelque chose à me dire et avaient très envie de me le dire.
Habituellement, quand on leur reproche d'avoir remis des travaux plates, ils répondent que le sujet était plate. La présente situation a ceci d'exceptionnel : ils étaient super-motivés. Ils avaient quelque chose à dire.
Le résultat? À pleurer.
Au moins 60 de ces 67 copies sont la preuve pathétique de l'échec d'un système scolaire qui bourre le crâne des enfants de choses à dire, mais qui ne leur donne plus l'essentiel, la base, les outils pour dire ce qu'ils ont à dire: une langue. Plus : un langage, c'est-à-dire une méthode d'organisation de la pensée.
Au hasard des copies: « Ces cela qui me déplaît, ces votre langage.» Une autre: «Je suis un peu déssus de ,votre article.» Un autre : «Vos propos sont insanser, vous m'éritez pas qu'on vous lise» ...
C'est le genre de fautes qui font sourire. Pourtant, lorsqu'on écrit de cette manière, c'est souvent qu'on ne sait pas lire. Ce n'est pas si drôle de ne pas savoir lire. Quand on ne sait pas lire, c'est le monde qui nous échappe.
Ils et elles ont 16 ans. Ce sont des ados ordinaires, dans une école ordinaire d'une