Francis ponge les mures
Un fruit dont il n’y a pas grand chose à tirer
Le poète souligne à plusieurs reprises la pauvreté du fruit : « si peu de choses au fond leur reste (aux oiseaux) quand du bec à l’anus ils en sont traversés. » Le spectacle offert par les mûres est celui « d’une famille rogue », c’est-à-dire tout à la fois arrogante, raide et rude, comme de vieux aristocrates désargentés. Elles n’incitent guère « à la cueillette », en elle les pépins prennent toute la place : « agglomération de sphères qu’une goutte d’encre remplit », le poète peut bien se demander que tirer d’un fruit si misérable. D’autres objets se prêteraient peut-être infiniment mieux à son inspiration, des fruits plus riches aux sucs plus abondants, et pour comble, les mûres sont d’un accès très difficile, fruit d’une ronce qui déchirent vêtements et peau de qui y pénètre trop avant. Son aspect n’est guère plus évocateur, trois couleurs simples qui sont celles des âges de sa maturation « Noirs, roses et kakis », rien des reflets mordorés de l’abricot, des chatoiement de la grappe, du dégradé en pastel ou en lavis de la figue, non, une forme de sécheresse jusque dans les couleurs.
Ainsi pas grand chose à tirer, pauvreté du jus, équivalent à pas grand chose à dire, le poète retrouve dans les mûres sa difficulté d’écrire, le maigre jus est une goutte d’encre, celle qui suffirait à les décrire et à écrire ce qu’il y a dire