Freud, r. rolland, les sources de la religiosite
LES SOURCES DE LA RELIGIOSITE
Dans l’un des dix films qui composent Le Décalogue, du réalisateur polonais K. Kieslowski, un garçon d’une dizaine d’années, élevé par un père athée et sans « éducation religieuse », interroge sa tante, une femme très pieuse, qui rentre d’un voyage à Rome, et lui demande de lui expliquer pourquoi elle « croit en Dieu » ; pour seule réponse, la femme prend son neveu dans ses bras, le serre fort pendant quelques instants –et nous comprenons que l’intensité émotionnelle de cet amour partagé vaut ici comme représentation des raisons pour lesquelles « elle est croyante ». Certes, cela ne constitue ni une « réponse », ni une argumentation… Mais cette scène présente l’intérêt de nous plonger au cœur même de la religiosité –car il n’y a sans doute pas religion sans religiosité. Mais alors, quelle est la source de la religiosité ? Où la religiosité trouve-t-elle son origine ? Telle est la question à laquelle s’attache ici Freud, au début de Malaise dans la civilisation, prolongeant une discussion épistolaire avec son ami R. Rolland. Cette source, comme le suggère Romain Rolland, n’est-elle pas un sentiment ? Et si oui, quelle est la spécificité de ce sentiment ? Par ailleurs, quelles relations entretiennent les religions constituées et ce sentiment ? Comment l’expriment-elles ? Enfin, est-il judicieux d’interpréter ce sentiment de la sorte ? Est-il réellement le socle de l’attitude religieuse ? Le texte de Freud présente la curiosité d’évoquer un autre auteur, pour ouvrir une discussion ; nous voyons là une pensée en acte, une pensée qui se nourrit de celle de l’autre. On le verra rapidement, l’intérêt du texte, mais aussi son enjeu, consiste à penser la religiosité comme attitude, avant de penser la religion comme ensemble de règles, de croyances, d’interdits ou de commandements.
Une première partie du texte (l. 1 à 4), restitue la discussion entre Romain Rolland et Freud. Comme si nous étions conviés à participer