Germinal
Cette audace, seul un homme isolé pouvait l'avoir. L'écrivain Emile Zola, écoeuré depuis plusieurs années par les campagnes nationalistes et antisémites, tôt convaincu de l'innocence de Dreyfus, s'engage dans la lutte par Sa Lettre ouverte au président de la République. Puisque c'est la presse qui, pesant sur le gouvernement plus encore que sur l'opinion, étouffe toute chance de révision, c'est par la presse que Zola décide d'accomplir l'acte dont Jules Guesde dira qu'il fut "le plus grand acte révolutionnaire du siècle". En quelques heures, plus de 200 000 exemplaires de "J'accuse", publié dans L'Aurore le 13 janvier 1898, sont vendus. C'est "la plus grande journée de l'Affaire", celle qui, en tout cas, restitue au moment désespéré, force et confiance aux partisans de Dreyfus. Zola vient de porter un coup décisif devant l'opinion. Finies les interventions politiques et les pétitions silencieuses. Le débat est maintenant dans la rue. C'est Zola qui, en moins d'un mois, donne à l'Affaire Dreyfus sa dimension nationale. Aux pouvoirs publics de se défendre !
Sous la pression du parlement, le président du Conseil doit accepter d'attaquer Zola en justice. la vraie bataille va commencer. Dreyfus, devenu un mythe grâce à Zola, reste au centre du conflit. Les dreyfusards sont eux-mêmes surpris de l'ampleur que prennent les choses. Comme il doit être traduit devant une juridiction civile, Zola pense pouvoir porter directement l'Affaire devant l'opinion, et refaire un jugement sans huis-clos, sans dossier secret, en toute clarté, comme s'il s'était substitué à Dreyfus.
A partir de ce moment critique, l'Affaire va suivre deux cours parallèles : * D'une part, l'Etat va utiliser son appareil répressif pour imposer la réduction du procès Zola à une simple affaire de diffamation, et pour éviter de lier le cas Zola au cas Dreyfus, déjà jugé. * D'autre part, la bataille d'opinion va tenter, en dehors des cadres de