Gide les faux monnayeurs
Le thème. Une simple remarque pour commencer : on a du mal à penser le Mal autrement que comme l’envers du Bien ; on a du mal à dissocier le Mal de ce qu’on estime être son contraire : le Bien. Si, dans une perspective religieuse et théologique, on pose le Bien comme ce qui est conforme à l’ordre divin, le Mal apparaît ainsi comme ce qui transgresse cet ordre prescrit par la volonté divine. Si, dans une perspective morale, le Bien est ce qui se conforme à la nature de l’homme, le Mal est défini comme ce qui contrevient à la nature de l’homme ; ce qui est contre-nature. Le Mal se pense ainsi dans le cadre dualiste de cette opposition entre le Bien et le Mal. Dualiste la doctrine qui admet dans l’univers deux principes premiers irréductibles : en l’occurrence le Bien et le Mal. Ce dualisme est caractéristique du judéo-christianisme qui est à l’arrière-plan des trois œuvres du programme et qui oppose Dieu et le Diable. Et l’on sait que, dans la Bible, la Genèse situe la connaissance du Bien et du Mal à l’origine de l’histoire de l’Homme, puisque la pomme dans laquelle mordent Adam et Eve leur accorde la connaissance du Bien et du Mal, tout en les précipitant hors du jardin d’Eden. Dans Macbeth, les trois sorcières maléfiques aux ordres d’Hécate soumettent Macbeth, au moyen de leurs prophéties, à une tentation diabolique à laquelle il cède et à cause de laquelle il devient un criminel et un tyran, (c’est-à-dire la figure politique du Mal), qui fait régner la terreur. Or, deuxième point, les œuvres proprement littéraires du programme (Macbeth et Les âmes fortes) ne se réfèrent à ce dualisme que pour le questionner, en mettant en évidence son caractère problématique, en relativisant ce dualisme. Lady Macduff, dans la scène 3 de l’acte IV de Hamlet, dit à son meurtrier, peu avant qu’il ne l’assassine, p.112 de l’édition GF : « Où fuirais-je ? / Je n’ai fait aucun mal. Je me souviens soudain / Que je me trouve en ce bas monde : où faire