goffman
« Bonjour, comment ça va ? » Si jamais votre collègue de travail, que vous venez simplement de saluer poliment au passage, vous répond que ça ne va pas du tout, que sa femme le quitte, que sa voiture est en panne et que le ciel lui tombe sur la tête, vous risquez d'être bien embêté ! Car, en fait, cette petite formule fait partie des rituels de politesse que nous mettons en oeuvre chaque jour, sans pour autant vouloir engager une conversation...
Pour le sociologue américain Erving Goffman (1922-1982), la vie sociale est une sorte de théâtre, où les individus sont des acteurs qui endossent des rôles, différents selon qu'ils sont au travail, dans une soirée mondaine ou dans l'intimité du foyer. Le but du jeu est de faire bonne figure et de permettre à chacun de garder la face. La communication - sujet qui passionne E. Goffman - est alors faite de tout un ensemble de « rituels d'interaction », de gestes, de mimiques, d'expressions verbales décrites dans La Mise en scène de la vie quotidienne (Minuit, 1973).
E. Goffman est l'auteur d'une oeuvre originale, qui eut une influence considérable sur la sociologie américaine puis européenne. Il est considéré comme l'un des chefs de file de l'« interactionnisme symbolique », qui se développa à partir des années 50 au sein de la célèbre école de Chicago, fer de lance de la sociologie américaine. Pour les sociologues de ce courant (dont Howard Becker et Anselm Strauss furent aussi les représentants), le fait social n'est pas une donnée mais un processus qui se construit dans le cadre de situations concrètes, comme l'avait suggéré le psychosociologue George H. Mead au début du xxe siècle.
Une autre caractéristique de l'interactionnisme est la démarche ethnographique qu'emploient ces sociologues. Pour saisir le réel, ils utilisent par exemple l'« observation participante », comme le fit E. Goffman pour écrire le livre qui lui conféra sa notoriété (Asiles, 1961, 1968 en France) : pour