Grh ethique publique
Bien commun, conflits d’intérêts et délibération éthique
Par Denis Müller www.contrepointphilosophique.ch Rubrique Ethique
Septembre 2004
Si La notion de Bien commun paraît de prime abord trop ambitieuse, trompeuse en ses promesses excessives et inaccessibles, elle est néanmoins nécessaire au débat éthique dans l’espace public contemporain. Dans cette contribution, nous voudrions montrer comment une compréhension critique de la notion controversée de Bien commun peut s’avérer compatible avec une prise en compte réaliste et responsable des conflits d’intérêts et de la délibération éthique. L’exemple du débat français sur la laïcité permet à cet égard de comprendre la nécessité de dépasser l’opposition stérile entre un communautarisme poussé à l’extrême et un universalisme vidé de sa pertinence historique et dialectique.
If, at the first look, the notion of the common Good seems too ambitious, making excessive and unaccessible promises, it is nevertheless necessary to use it in the ethical public discussion. This paper aims to show that a critical understanding of this controversial idea of the common Good may help to solve some conflicts of interests. The example of the french debate on laicity should help us to overcome the fallacious opposition between extreme communitarianism and abstract universalism.
1. Le Bien commun, un concept traditionnel et ses problèmes
La notion de Bien commun (bonum commune), avec ses racines antiques (Platon, Aristote) et médiévale (Thomas d’Aquin) est en général comprise comme l’expression d’un intérêt supérieur, de caractère à la fois rationnel et divin[1]. Or il est évident que cette vision classique, si fondamentale et grandiose soit-elle, n’est plus adaptée au paradigme moderne, voire postmoderne de la réflexion éthique actuelle, qui a lieu dans un contexte social, culturel et historique profondément différent. En effet, le paradigme moderne, avec ses