Guernica de decaux
26 avril 1937
Soudain, à 4 heures et demie de l'après-midi, toutes les cloches de Guernica se mettent à sonner. Les entendre à une heure qui n'est celle ni d'une messe, ni des vêpres ou d'un salut, les habitants de cette petite ville basque savent ce que cela signifie : une alerte aérienne. Guernica ne dispose d'aucune sirène. En 1937, au Pays basque, rares sont les localités assez riches pour s'équiper d'un système d'alerte.
Depuis neuf mois qu'elle se poursuit, la guerre civile d'Espagne a relativement épargné Guernica. Pas un des sept mille habitants de la ville n'ignore cependant qu'elle se rapproche et que les nationalistes - les Basques les appellent des rebelles - se sont jurés de venir à bout de l'irrédentisme de leur province.
Ce jour-là, 26 avril 1937, un marché se tient comme chaque lundi à Guernica. Aux paysans venus pour vendre et acheter, s'ajoutent les nombreux réfugiés cela fait bien trois mille personnes supplémentaires accueillies dans la petite ville. Trois mille qui, dès les premières volées de cloches, se sont avec les autochtones acheminées en bon ordre vers les caves et les abris aménagés dans la ville depuis le bombardement qui, un mois plus tôt, a écrasé Durango, autre ville basque. Un prêtre énergique canalise la foule vers les refuges. De tels réflexes, en temps de guerre, les civils les acquièrent très vite.
Les imprudents, les négligents, les curieux vont bientôt - très bientôt -regretter de n'avoir pas suivi le mouvement.
Cinq minutes se sont à peine écoulées que, dans le ciel, on entend le grondement d'un avion. D'évidence, un avion lourd. Ceux qui sont restés dehors le voient, à basse altitude, s'approcher. Il est seul. Apparemment sûr de l'impunité, le pilote ne prend aucune précaution. Il se met à décrire un cercle autour de la ville. Il vole si bas que, pour un peu, on distinguerait l'équipage casqué de cuir. Tout à coup, l'enfer se déchaîne. On voit distinctement la soute du bombardier s'ouvrir et un