Haruki murakami, autoportrait de l'auteur en coureur de fond, belfond, 2009
J'ai participé à de nombreuses courses: aucune ne s'est aussi mal passée que celle qui s'est déroulée dans la préfecture de Chiba. Les trente premiers kilomètres, mon allure était à peu près correcte. Je songeais même que, cette fois, je devrais franchir la ligne d'arrivée avec un temps assez bon. Mon endu- rance me semblait encore intacte. J'étais certain de pouvoir parcourir la distance res- tante. Brusquement, mes jambes n'ont plus voulu m'écouter. J'ai senti que j'avais des crampes si douloureuses que bientôt j'ai été incapable de continuer. J'ai tenté de prati- quer quelques étirements, mais les muscles de mes cuisses, à l'arrière, ne cessaient de trembler. Finalement ils se sont bizarrement crispés et n'ont plus rien voulu entendre.
Je ne parvenais même plus à rester debout; malgré moi j'ai été obligé de m'accroupir sur le bord de la route. Il m'était déjà arrivé de souffrir de crampes légères au milieu d'une course. Il m'avait suffi de pratiquer des étirements durant cinq minutes environ, mes muscles étaient revenus à leur état normal, et j'avais pu courir à nouveau. Cette fois, ce n'était pas aussi simple. Le temps passait, les crampes restaient. A un moment, j'ai cru que j'allais mieux, et j'ai repris ma foulée, mais les crampes se sont rappelées à moi immédiatement. Aussi, les cinq derniers kilomètres, m'a-t-il fallu marcher, d'un pas plutôt claudiquant. C'était la toute première fois qu'au cours d'un marathon je devais marcher au lieu de courir. Jusqu'alors, j'avais mis un point d'honneur à ne jamais le faire, quelles que soient les douleurs. Un marathon, ça se court, ça ne se marche pas.
Voilà ce que je pensais, fondamentalement. Mais ce jour-là, même marcher était diffi- cile. L’idée m'a traversé la tête, à plusieurs reprises, que je devrais peut-être laisser tomber et monter dans un des bus qui accompagnaient la course. « De toute façon, ton temps