Heptameron 70
La châtelaine de Vergy de Margurite de Navarre
(la 70e nouvelle de l’Heptaméron)
La 70e nouvelle de l’Heptaméron est un remaniement de la matière de La Chastelaine de
Vergi, roman en vers du XIIIe siècle, très en faveur, dont il existe plusieurs remaniements. Ce roman chante, on s’en souviendra, l’amour d’un gentilhomme et d’une dame, amour heureux tant qu’il reste secret. Seulement la duchesse de la cour où vit le gentilhomme jette son dévolu sur lui et, devant son refus, l’accuse devant le duc de lui avoir fait la cour. Le duc ne veut croire à la disculpation du gentilhomme que si celui-ci lui montrera qu’il aime une autre dame, plus aimable et, s’il est tenu pour coupable, il doit fuir le pays. Devant ce dilemme: s’exiler ou rompre le secret promis à sa dame le jeune amant opte pour l’aveu, sous promesse que le duc gardera le secret. Seulement la duchesse sait le lui arracher et, dépitée d’avoir été méprisée pour une femme plus belle, elle fait devant la châtelaine une allusion aux rendez-vous nocturnes que celle-ci accorde à son amant. La châtelaine, se croyant trahie et remplacée par la duchesse, meurt de désespoir et l’amant se tue sur son corps mort. Le duc tue la duchesse, voyant qu’elle n’a pas gardé le secret promis.
On ne saurait, à l’état actuel des études, cerner avec précision la source qu’a utilisée
Marguerite. Elle déclare elle-même avoir eu sous les yeux un récit qui "n’est pas de nostre temps" (p.400)1, mais nous ne connaissons pas la version qui lui a servi comme point de départ.
Les différences qui la distinguent de toutes les autres versions connues sont fortes, et, jusqu’à une découverte éventuelle et improbable d’une source précise de la version de Marguerite, il n’est que justice d’en attribuer l’originalité à son auteur.
Il ne saurait être question ici de traiter à fond les versions antérieures ou postérieures de la matière traitée dans la 70e nouvelle. Frappier2 l’a déjà fait et je ne voudrais pas reprendre cette étude qui,