Histoire De La Shoah Bensoussan Georg Hellip
Histoire de la Shoah
GEORGES BENSOUSSAN
Docteur en histoire - HDR
Cinquième édition mise à jour
15e mille
Introduction « Mon vocabulaire est trop pauvre pour décrire l’énormité de pareil anéantissement d’un peuple. »
( Sh. Frank, Journal du ghetto de Lodz, 1942 [1] )
« Il n’y a pas d’histoire plus difficile à raconter dans toute l’histoire de l’humanité. »
( H. Arendt, L’Image de l’enfer, 1946 [2])
Entre 1939 et 1945, l’Allemagne nazie, secondée par de nombreuses complicités, a assassiné près de six millions de Juifs européens dans le silence quasi complet du monde. Le temps lui a manqué pour détruire le peuple juif tout entier comme elle l’avait décidé. Telle est la réalité brute du génocide juif, en hébreu shoah. La décision de
« faire disparaître » [3] le peuple juif de la terre, la détermination à décider de qui doit et ne doit pas habiter la planète, poussée en ses conséquences ultimes, signait la spécificité d’une entreprise, unique à ce jour, de modifier la configuration même de l’humanité. Les contemporains ont perçu l’inouï de la situation<N>« Il est hors de doute qu’il s’agit du crime le plus grave et le plus monstrueux jamais perpétré dans l’histoire de l’humanité », écrit W. Churchill à Anthony Eden le 11 juillet 1944.</N>, mais un lent travail de recouvrement de la réalité historique a longtemps empêché de mettre en lumière l’unicité de la destruction raisonnée d’un peuple. De massacres en holocauste et en génocide, cette réalité a finalement trouvé son assise dans le mot shoah<N> Et ce terme hébraïque, dans la littérature juive de la catastrophe, a supplanté lui-même celui de Hourban (et on parlait alors de 3e Hourban par référence à la destruction des deux
Temples).</N> (tempête, destruction, désolation), issu de la langue liturgique des communautés anéanties.
Reconstituer la destruction d’une civilisation est d’autant plus difficile que les planificateurs du crime se sont évertués à en effacer les traces. Or, seule une