Homme machine
Dans l’homme machine, tel que Descartes l’a défini, l’animal a été dès l’origine dénaturé. Selon Descartes, c’est la partie animale de l’homme, le corps qui est assimilable à la machine; l’homme tire toute sa dignité d’une âme qui, par sa pensée et sa liberté, échappe aux lois de la mécanique. Un jour viendrait où la pensée elle-même, assimilée à la programmation, paraîtrait elle aussi assimilable à la machine. Ce jour est venu.
Dans les faits cependant, la très grande majorité des êtres humains ont continué à vivre leur corps comme un animal plutôt que comme une machine, jusqu’au milieu du présent siècle. À partir de ce moment, la biologie moléculaire qui donne à penser que les phénomènes vitaux fondamentaux ressortissent à la mécanique, et la génétique qui donne à entendre que la vie est programmable, ont semblé apporter une confirmation définitive à la thèse de Descartes. Les techniques biologiques allaient d’autre part rendre possibles les greffes d’organes aussi vitaux que le coeur, le foie, les reins ou les poumons.
La figure du cosmonaute parut dans ce contexte. Pour nommer le nouvel être que forme cet homme uni substantiellement aux ordinateurs de la tour de contrôle, on forgea le mot cyborg. De l’autonomie propre à l’animal, il ne reste dans le cyborg, ou cyber-organisme, qu’un résidu. Les prolongements mécaniques du cerveau se substituent au corps d’autant plus facilement qu’on avait pris l’habitude de considérer ce dernier comme une machine.
Dans son édition du 25 mai 1998, le Time Magazine présentait diverses photos de cyborgs sous le titre général de techno sapiens. L’une des photos montre une étudiante du MIT Medialab