Hypothèse d'un "travail de la maladie"
Hypothèse d'un "travail de la maladie"
Jean Louis Pedinielli [1] Le concept de "travail de la maladie" mérite d'être introduit par ses conditions d'apparition. Il est né dans une pratique clinique particulière constituée par la rencontre entre une écoute psychanalytique et des discours de patients atteints d'une maladie somatique chronique, rencontre opérée à l'intérieur de l'institution médicale. Sa production répond donc tant aux problèmes soulevés par une clinique inhabituelle qu'aux limites des problématiques psychopathologiques permettant de penser la question du somatique, situation que Marie-Claire Célérier avait résumée d'une formule heureuse : "psychanalyste en terre médicale". Psychanalyste hors du cadre, mis en présence de sujets sans demande de consultation, voire sans attente, interpelé par les pratiques et les discours médicaux, notre tâche ne va pas sans nous faire entrevoir une autre clinique qui se définit d'abord de n'être ni sous transfert ni proprement psychiatrique ni strictement psychosomatique.
Le terme de "travail de la maladie", ainsi que celui de "texte de la maladie", a ainsi été forgé à partir de l'écoute de malades souffrant d'une affection somatique chronique, condition bien particulière. C'est un truisme que de dire que la chronicité s'oppose à l'acuité qui pour les bien-portants - analystes compris - représente le modèle de la maladie ; Freud lui-même a identifié maladie somatique et douleur en choisissant l'exemple de la rage de dent. Toute autre est la maladie chronique dont la caractéristique est de placer le malade dans une position temporelle différente puisque ce qui caractérise maintenant la maladie c'est sa durée, son absence de fin, et sa présence permanente : plus discrète que la maladie aiguë qui annule le temps et rompt avec la continuité historique du sujet, la maladie chronique n'a d'autre durée que celle du sujet qui, à son corps défendant, pourrait bien finir par se confondre