héptaméron
Le premier jour de septembre, que les baings des montz Pirenées commencent entrer en leur vertu, se trouverent à ceulx de Cauderès plusieurs personnes tant de France que d'Espaigne; les ungs pour y boire de l'eaue, les autres pour se y baigner et les autres pour prendre de la fange; qui sont choses si merveilleuses que les malades habandonnez des medecins s'en retournent tout guariz. Ma fin n'est de vous declarer la scituation ne la vertu desdits baings, mais seullement de racompter ce qui sert à la matiere que je veulx escripre. En ces baings là demeurerent plus de trois sepmaines tous les mallades jusques ad ce que, par leur amendement, ilz congnurent qu'ilz s'en pouvoient retourner. Mais sur le temps de ce retour vindrent les pluyes si merveilleuses et si grandes, qu'il sembloit que Dieu eut oblyé la promesse qu'il avoit faicte à Noé de ne destruire plus le monde par eaue; car toutes les cabanes et logis dudit Cauderès furent si remplyes d'eaue qu'il fut impossible de y demourer. Ceulx qui y estoient venuz du costé d'Espaigne s'en retournerent par les montaignes le mieulx qui leur fut possible; et ceulx qui congnoissoient les addresses des chemins furent ceulx qui mieulx eschapperent. Mais les seigneurs et dames francoys, pensans retourner aussy facillement à Therbes comme ilz estoient venuz, trouverent les petitz ruisseaulx si fort creüz que à peyne les peurent-ilz gueyer. Et quant se vint à passer le Gave Bearnoys qui, en allant, n'avoit poinct deux piedz de proufondeur, le trouverent tant grand et impetueux qu'ilz se destournerent pour sercher les pontz, lesquelz, pour n'estre que de boys, furent emportez par la vehemence de l'eaue. Et quelcuns, cuydans rompre la roideur du cours pour s'assembler plusieurs ensemble, furent emportez si promptement que ceulx qui les vouloient suivre perdirent le povoir et le desir d'aller après. Parquoy, tant pour sercher chemin nouveau que pour estre de diverses opinions, se separerent. Les ungs traverserent la