Imitation lettre de Cornudet
Les Prussiens sont entrés dans Rouen. A chaque porte des petits détachements frappent, puis disparaissent dans les maisons. Après l’invasion, c’est désormais l’occupation. Le devoir commence pour nous, « les vaincus », de nous montrer avenants envers « les vainqueurs ». Mais comme vous le savez si bien, la collaboration avec l’ennemi ne figure en aucun cas dans mes plans. C’est pourquoi, mon cher, que je quittai cette ville pour m’en aller à Dieppe. La haine de l’Etranger aurait fini par m’envahir davantage, bien que les envahisseurs n’accomplirent réellement les horreurs que la renommée leur fait si bien commettre.
J’employai l’influence des officiers allemands dont j’avais fais la connaissance, et comme tous les autres, j’obtint une autorisation de départ, qui fut obtenue du général en chef.
Laissez-moi donc, vous conter le récit du voyage accablant auquel je pris part, afin de fuir, comme je vous le dis précédemment, jusqu’à Dieppe.
Même si ce fut d’un exhaustif incomparable, je sus ma foi, bien me divertir durant ce voyage.
Mon cher Agathon, vous rirez, comme je le fit, de ces personnages à la situation si comique. Entre Royalistes et Bonapartistes, le spectacle était d’un absurde risible.
Il y avait tout d’abord cette prostituée, que l’on appelait Boule de Suif à cause de son embonpoint précoce. Elle était petite, ronde de partout, maous, avec une peau chatoyante et une gorge si colossale qu’elle saillait sous sa robe. Nonobstant, je ne vous cacherai point qu’elle était effroyablement affriolante.
Aussitôt qu’elle fut reconnue, des chuchotements couraient parmi les femmes honnêtes. Sa présence, je vous l’assure, provoquait diablement ces dames, qui ne se génèrent pas de la critiquée ouvertement.
Cela faisait des heures que les chevaux traînaient la diligence, et tout le monde souffrait le violent besoin de manger, ce qui avait coupé court à toute conversation. De même que j’avais une gourde