Quel que soit le concept de la liberté du vouloir que l'homme puisse élaborer dans une intention métaphysique, les manifestations de ce vouloir, telles qu'elles nous apparaissent, les actions humaines, sont déterminées conformément aux lois universelles de la nature, aussi bien que n'importe quel autre événement de la nature. L'histoire, qui a pour tâche de relater ces faits tels qu'ils nous apparaissent, à quelque profondeur que puissent être cachées les causes, laisse cependant espérer, quand on considère en gros le jeu de la liberté du vouloir humain, que l'on puisse y découvrir un fonctionnement régulier, et cela de telle façon que ce qui saute aux yeux comme embrouillé et sans règle chez les sujets individuels pourra cependant être reconnu, au niveau de l'espèce entière, comme un déploiement continu, progressif, quoique lent, des dispositions originelles de cette espèce. Ainsi, les mariages, les naissances qui en résultent, les décès, parce que la libre volonté des hommes a une grande influence sur eux, semblent n'être soumis à aucune règle, d'après laquelle on pourrait déterminer d'avance leur nombre par le calcul; et pourtant, les tables que l'on dresse chaque année dans les grands pays prouvent qu'ils se produisent tout aussi bien selon des lois naturelles constantes que les phénomènes météorologiques [pourtant] si instables, que l'on ne peut déterminer à l'avance individuellement, mais qui, dans l'ensemble, ne manquent pas de maintenir la croissance des végétaux, le cours des fleuves, et de tout ce qui a été institué d'autre dans la nature selon un mouvement Emmanuel Kant (1784), Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique 6 uniforme et ininterrompu. Les individus, et même des peuples entiers, ne pensent guère que, pendant qu'ils poursuivent leurs intentions privées, chacun selon ses goûts, et souvent contre les autres individus, ils suivent comme un fil directeur, sans s'en apercevoir, l'intention de la nature, qui leur est inconnue,