A l’époque, le sang et les couteaux sont à la une de la nouvelle presse à sensation ou des romans policiers lus par un public avide d’émotions fortes. La structure du roman repose sur deux grands moments : l’assassinat de Grandmorin et le meurtre de Séverine par Jacques. Mais le roman comporte d’autres instants déterminants : les aveux de Séverine, l’un à Roubaud l’autre à Jacques, l’immobilisation de La Lison dans la neige et celui du déraillement où Zola joue avec le temps, le rythme et les regards des personnages pour dramatiser la scène à l’extrême. Il utilise un raccourci cinématographique pour présenter les points de vue successifs des protagonistes du drame. Il a également retenu les lieux significatifs, les difficultés du parcours, par exemple celle de la longue rampe enneigée de trois lieues montant de Harfleur à Saint-Romain de Colbosc, donc du Havre au plateau du pays de Caux. Certains tunnels et gares sont des jalons importants. Le parcours de Paris à Rouen est moins significatif, même si Maupassant en a livré une description très poétique dans Bel-Ami : « Le train longeait la Seine, et les jeunes gens se mirent à regarder dans le fleuve, déroulé comme un large ruban de métal poli à côté de la voie, des reflets rouges, des tâches tombées du ciel que le soleil, en s’en allant, avait frottée de pourpre et de feu. » Zola est familier des lieux : la ligne Paris-Le Havre passait au bas de sa maison à Médan, près de Villennes-sur-Seine. Le voisinage de La Croixde-Maufras, lieudit inventé par le romancier, est beaucoup plus sinistre puisqu’il comprend, près de Maulanay, un tunnel, tranchée où La Lison s’enlise dans la neige. La gueule noire et effrayante du tunnel apparente ce lieu à la mythologie fantastique de la peur et de la mort.