La critique thématique
Il était fréquent, dans les années soixante, d'entendre pronostiquer un dépérissement à plus ou moins court terme de la littérature maghrébine d'expression française après les indépendances. Le pronostic ne semblant guère se vérifier, une nouvelle et plus subtile façon de discréditer cette littérature consiste à affirmer que, malgré sa richesse quantitative et quali tative, ses écrivains sont incapables de projet - notamment social -, ignorent la dimension du futur: d'où une littérature au présent apparem ment fécond, mais « sans avenir» (1): résiduelle, trace d'une génération perdue qui encombre les éditeurs de son désarroi, mais qui ne saurait tarder à laisser place à autre chose. Nous nous proposons ici, non pas d'élaborer une « contre-anthologie» (une de plus), mais d'essayer de faire apparaître le travail d'écriture qui, nous semble-t-il, se fait en certains « lieux/dits» (2) du Maghreb, et par là de tenter de déplacer un certain nombre de questions qui, dans les termes où elles sont couramment posées, ne peuvent qu'être impasses.
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LA LITTÉRATURE MAGHRÉBINE: UNE ILLUSION D'OPTIQUE? ECRITURE ET « PRÉ-DISCOURS» (3)
La littérature maghrébine d'expression française a été l'objet, dans les années 70, d'un véritable lancement publicitaire: la relève de la « négritude» était assurée par ces « nouveaux francophones >". Ce lancement, symbolisé par exemple par le prix des Enfants Tenibles attribué à Rachid Boudjedra,
" Nous tenons à exprimer notre gratitude à Nabile FARÈS qui a bien voulu contribuer à ce travail par ses conseils et ses remarques. (1) «Sans avenir»: Cf. Morsy ZAGHLOUL, Le palimpseste maghrébin, in Tahar BEN JELLOUN, La mémoire future, Maspero 1976. (2) Cette expression, que nous empruntons à Abdelwahab MEnDEB