La douleur de marguerite duras (extrait)
Il avait cessé de poser des questions sur ce qui s'était passé pendant son absence. Il avait cessé de nous voir. Son visage s'était recouvert d'une douleur intense et muette parce que la nourriture lui était encore refusée, que ça continuait comme au camp de concentration. Et comme au camp, il avait accepté en silence. Il n'avait pas vu qu'on pleurait. Il n'avait pas vu non plus qu'on pouvait à peine le regarder, à peine lui répondre.
Le docteur était arrivé. Il s'est arrêté net, la main sur la poignée, très pâle. Il nous a regardé puis il a regardé la forme sur le divan. Il ne comprenait pas. Et puis il a compris : cette forme n'était pas encore morte, elle flottait entre la vie et la mort et on l'avait appelé, lui, le docteur, pour qu'il essaye de la faire vivre encore. Le docteur est entrée. Il est allé jusqu'à la forme et la forme lui a souri. Ce docteur viendra plusieurs fois par jour pendant trois semaines, à toute heure du jour et de la nuit. Dès que la peur était trop grande, on l'appelait, il venait. Il a sauvé Robert L. Il a été lui aussi emporté par la passion de sauver Robert L. de la mort. Il a réussi.
Nous avons sorti le clafoutis de la maison pendant qu'il dormait. Le lendemain la fièvre était là, il n'a plus parlé d'aucune