La démocratie dans les travaux sur le monde arabe
Le cours de la recherche
epuis près d’un siècle, la question de la démocratie pèse d’un poids tout particulier tant sur les spécialistes du monde arabe que sur les dirigeants politiques dont dépend le sort de ces pays et de leurs habitants. Presque toujours conflictuelle, elle a profondément marqué, et de façon en grande partie négative, les études politiques sur la région. Ce n’est que depuis une dizaine d’années, et peut-être (ironie de l’histoire) sous l’effet de la persistance de l’autoritarisme dans les pays arabes tandis qu’une vague de démocratisation déferlait sur le reste du monde, que ce domaine d’étude commence à se libérer de ce lourd héritage et de son dernier avatar, la « transitologie ».
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L’évolution de la question démocratique
La conception de la démocratie a beaucoup changé au cours du XXe siècle : après y avoir longtemps vu un mode de gouvernement relativement rare et inégalement viable selon les États, on la considère désormais comme une forme politique universellement accessible1. Parallèlement à cette évolution, la question de la démocratie s’est progressivement placée au centre des travaux sur les sociétés politiques du monde arabe, alors même que, sur le terrain, les perspectives de démocratisation ne cessaient de s’éloigner. Le fait est que la région est aujourd’hui la plus autoritaire du monde, qu’elle s’est montrée réfractaire au processus universel de démocratisation. D’où tout un discours sur la singularité arabe, où fleurissent des concepts tels que dysfonctionnement de la société, rigidité politique, déterminisme culturel. Il n’en demeure pas moins que, depuis au moins quarante ans, la question démocratique exerce une sorte d’attraction gravitationnelle sur les chercheurs spécialistes de la région. Cela se comprend. Il serait même étrange que ces derniers ne se demandent pas à quelles conditions les régimes du monde arabe pourraient