la dépersonnalisation du pouvoir politique
Historiquement, le pouvoir politique était attaché à la personne des gouvernants (anciens, chefs religieux, chefs militaires, chefs héréditaires…), et entrait dans leur patrimoine (conception patrimoniale du pouvoir : le pouvoir leur appartenait). Cette personnalisation du pouvoir politique pouvait être renforcée par le charisme de son détenteur. L’inconvénient d’un tel système était qu’à la cessation des fonctions du chef politique (notamment à sa mort), il ne subsistait aucune légitimité ni aucun appareil pouvant lui succéder. Le pouvoir politique disparaissait avec la personne qui l’incarnait. Conséquence : carence du pouvoir politique ou au contraire rivalités pour la succession.
Les plupart des sociétés, notamment en Occident, vont cependant connaître une évolution de la conception du pouvoir politique : à la personnalisation de celui-ci va succéder son institutionnalisation. Cela signifie que le pouvoir politique va être dissocié de la personne des gouvernants et de leur patrimoine, pour être reporté sur une entité abstraite, une institution (on parle aussi de personne morale), qui va dorénavant lui servir de support. Depuis le XVIe s., cette institution est l’Etat. Le pouvoir politique est donc institutionnalisé dans l’Etat, c’est l’Etat qui détient ce pouvoir, de manière permanente. Les gouvernants, personnes physiques, ne disposent de compétences qu’en raison de leurs fonctions dans l’Etat ; ils ne sont que les dépositaires provisoires des compétences qui leur sont confiées (ainsi parle-t-on du « locataire de l’Elysée » ou de « l’hôte de Matignon »). Il existe au-dessus d’eux une légitimité qui les dépasse, un appareil qui leur survit : c’est le pouvoir politique institutionnalisé dans l’Etat (cf. « Le roi est mort, vive le roi ! »). Cela assure la continuité du pouvoir politique – on parle d’ailleurs de continuité de l’Etat – indépendamment de la personne de ses détenteurs.