La fontaine et esope ( le chêne et le roseau)
Le roseau et l'olivier se querellaient au sujet de leur résistance, de leur force, de la tranquillité de leur vie. Comme l'olivier invectivait le roseau, lui reprochant d'être faible et de céder facilement à tous les vents, celui-ci resta sans mot dire. Il n'attendit pas longtemps. Un vent violent ayant soufflé, le roseau, qui était secoué et ployait sous la tempête, se tira d'affaire facilement. L'olivier au contraire, qui s'était raidi contre le vent, fut brisé brutalement. Cette fable signifie que ceux qui ne résistent pas aux circonstances et aux puissants sont dans une condition meilleure que ceux qui entrent en lutte contre les forts.
« Le Chêne et le Roseau », La Fontaine, Fables, I, 22, 1668
Le Chêne un jour dit au Roseau :
« Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ;
Un Roitelet1 pour vous est un pesant fardeau ;
Le moindre vent qui d'aventure
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête.
Cependant que mon front, au Caucase2 pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.
Tout vous est aquilon3 ; tout me semble zéphyr3.
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrai de l'orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent4.
La Nature envers vous me semble bien injuste.
- Votre compassion, lui répondit l'Arbuste,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci :
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables ;
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. » Comme il disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût porté jusque là dans ses flancs.
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine,