La justice et le droit la politique
Si la morale nous dit ce que nous devons faire (le devoir), le droit définit ce qu'il nous est permis de faire. La justice est souvent considérée comme la principale vertu morale : la justice est la source des autres vertus et la condition de leur exercice harmonieux car elle renferme tout ce que l'on doit à soi-même et aux autres. Pour autant droit et justice coïncident-ils exactement ? Il y a bien des cas où la réponse est négative : que penser par exemple du cas emblématique de Jean Valjean dans Les Misérables de Victor Hugo, condamné au bagne pour avoir volé du pain ? Ou pour prendre un exemple plus concret du fait que l'institution judiciaire puisse condamner des chômeurs hors d'état de payer leur loyer à être expulsés de leur logement ? Inversement le respect scrupuleux des normes juridiques et de la procédure judiciaire permet parfois à des auteurs d'infractions d'échapper grâce à d'habiles avocats, à tout sanction judiciaire. Là encore, même si le droit est respecté, notre sens de la justice n'y trouve pas son compte.
Il y a donc un conflit majeur entre justice et droit dont la mythologie et le théâtre témoignent de l'aspect tragique. L'Antigone de Sophocle est ainsi condamnée à être emmurée vivante pour avoir en violation d'un décret de Créon répandu quelques poignées de terre sur le cadavre de son frère jeté aux chiens. Inflexible comme la justice elle-même qu'elle viole, Antigone fait prévaloir sur l'obéissance aux lois de la polis humaine les exigences de l'amour et de la piété. Lorsque Créon lui fait remarquer qu'elle est passée outre sa loi, elle lui répond : « Oui, car ce n'est pas Zeus qui l'avait proclamée ! Ce n'est pas la Justice, assise aux côtés des dieux infernaux ; non, ce ne sont pas là les lois qu'ils ont jamais fixées aux hommes, et je ne pensais pas que tes interdictions à toi fussent assez puissantes pour permettre à un mortel de passer outre à d'autres lois, aux lois, non